Le président du Front populaire ivoirien(FPI), Pascal Affi N’Guessan lance un appel à la désobéissance civile. L’axe majeur de sa conférence de presse, animée hier, au siège du parti à Cocody les Vallons, reste la pleine adhésion du FPI au mot d’ordre de l’opposition. Il a donc exhorté les militants et l’ensemble des Ivoiriens à s’inscrire résolument dans la mise en pratique de la désobéissance civile jusqu’à ce qu’à contraindre le pouvoir à offrir les institutions qui garantissent des élections inclusives, justes et transparentes. « Si vous aimez la Côte d’Ivoire, mettez-vous en ordre de bataille pour la désobéissance civile.»
Pour lui, les défis de la démocratie et des valeurs exigent des Ivoiriens une lutte sans répit. Et, à l’en croire, le combat auquel les Ivoiriens doivent consacrer leurs forces et énergies est celui de sortir le pays des griffes de la dictature. « Nous sommes prêts à aller jusqu’où monsieur Ouattara veut nous conduire. Il ne faut pas qu’il se méprenne sur notre volonté. Nous sommes déterminés, la Côte d’Ivoire, en cette année 2020, doit rompre toute forme de dictature. Nous ne pouvons pas accepter, nous ne pouvons pas tolérer qu’un individu impose sa volonté à toute une nation », a prévenu le président du FPI. Selon le candidat déclaré à la présidentielle, ce serait une déchéance de laisser le pouvoir tripatouiller les élections par le biais des institutions placée sous ses ordres.
Quand commence la désobéissance civile à laquelle il invite ses militants ? « Préparez-vous, elle commencera très bientôt », a-t-il répondu.
Affi répond au Conseil Constitutionnel
Il dit ne pas comprendre le fait que le Conseil constitutionnel brandisse ses déclarations de 2016 comme un fondement juridique pour autoriser Alassane Ouattara pour un troisième mandat. « Je ne suis pas la constitution ivoirienne, je ne suis pas les lois ivoiriennes donc on ne peut pas s’appuyer sur mes propos pour déclarer Ouattara éligible. Ce ne sont pas les propos d’Affi qui décident de l’éligibilité d’un candidat. Ce sont les lois de la République, ce sont les lois de du pays. »
A propos de l’argumentation du Conseil constitutionnel, le conférencier a rappelé comment il avait attiré l’attention des Ivoiriens sur ce qui se tramait. « En 2016, j’ai suspecté Ouattara de vouloir tailler une constitution sur mesure pour pouvoir briguer un troisième mandat, mais vous étiez témoins de tous les propos qui ont été tenus par ses partisans, par ses ministres même son ministre de la Justice, par ses experts qui ont juré, la main sur le cœur, que cette constitution n’était pas faite pour permettre à monsieur Ouattara d’être candidat. C’est de notoriété internationale », a indiqué le député de Bongouanou à son auditoire.

Pascal Affi N’Guessan perçoit comme un manque de scrupule les voltes faces du président de la République sur les questions d’intérêt. « Ouattara se croit tout permis en Côte d’Ivoire, je dirais même dans le monde. Dire en mars 2019 qu’il ne sera pas candidat et ne pas avoir de scrupule à dire en août 2020 qu’il est candidat et nous devons dire amen. Non, ça ne peut pas se passer comme ça…Si les lois de la République sont piétinées impunément, il n’y a plus de République parce qu’il n’y a plus de paix s’il n’y a pas de lois ». Et le président du FPI de caricaturer la gouvernance d’Alassane Ouattara : « Ou alors nous sommes dans une République bananière qui est organisée autour de la volonté d’un individu qui peut faire ce qu’il a envie de faire, jeter les gens en prison quand il le veut, les sortir quand il en a envie, déclarer qui doit être élu à tel poste, qui doit être candidat à tel poste ? On ne peut pas accepter ça », désapprouve-t-il avant de trancher : « Personnellement, je ne me sens pas digne d’appartenir à une telle République. Je me battrai pour qu’il y soit mis fin. 30 ans de conflits, de confrontations, ça suffit.»
« Je ne me sens pas digne d’appartenir à une telle République »
Pour le proche collaborateur de Laurent Gbagbo, le nom de l’actuel chef de l’Etat rime avec le chao. Evoquant les évènements du 18 février 1992, le coup d’Etat de 1999, la rébellion armée de 2002 et la crise post électorale de 2010 et 2011, Pascal Affi N’Guessan a conclu : « A toutes ces situations dramatiques, est associé le nom d’Alassane Ouattara. Comme le disent les Ivoiriens, trop c’est trop, il faut qu’on mette fin à ça pour passer à autre chose. »
Dans un tel contexte, est-ce que le candidat du FPI opte-t-il pour le boycott des élections ou envisage-t-il une seule candidature de l’opposition ? Dans cette posture, Affi ne craint-il pas une autre arrestation comme en 2011 de la part du pouvoir ? « La crainte de mon arrestation est une idée qui ne me passe même pas à l’esprit. Ce n’est pas la crainte qui oriente mon action. Je ne pense pas à ça, je fais mon travail. Ceux qui pensent que leur travail c’est de mettre les autres en prison, qu’ils fassent leur travail », a-t-il répondu.
Le président du FPI estime qu’il faut minimiser les incompréhensions du passé pour capitaliser ce qui rassemble l’opposition.
Benjamin Koré